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lundi 16 mars 2009

E.D. Hirsch Jr

E.D. Hirsch grandit à Memphis et est diplômé de Cornell et Yale. Il débute sa carrière comme professeur d’anglais et spécialiste des poètes romantiques. Ses premières publications portent sur Wordsworth et Schelling (1960), il fait une monographie sur Blake (1964).

Dans la deuxième phase de sa carrière, il s’intéresse à l’herméneutique et aux questions d’interprétation littéraire. A cette époque, ses ouvrages s’élèvent contre les idées communément admises que l’intention de l’auteur doit être le facteur ultime dans la recherche du sens. Il propose la distinction entre « sens » (comme intention de l’auteur) et « signification» (comme perçue par le lecteur ou le critique).

En 1977, il publie Philosophy of composition (La philosophie de la composition), une enquête sur le thème : qu’est-ce qui rend la prose plus ou moins lisible ? Son travail sur la composition le conduit à un grand changement dans sa carrière. Alors qu’il fait des tests sur la lisibilité relative, dans deux collèges de Virginie, il découvre que, si la lisibilité relative d’un texte est un facteur essentiel dans la compréhension, il y en a un autre bien plus important : les connaissances de base du lecteur. Les étudiants de l’université de Virginie, arrivaient à comprendre un passage de Grant et de Lee, alors que les étudiants d’un autre collège n’y parvenaient pas, car ils ignoraient tout de la Guerre de Sécession. Cela, ajouté à ses autres découvertes, fait qu’il formule le concept de culture générale, à savoir l’idée que la compréhension en lecture ne se réduit pas au décodage mais repose aussi sur l’arrière plan de connaissances culturelles. Il en conclut que les écoles ne doivent pas ignorer le contenu des enseignements, mais doivent avoir un programme spécifique qui permettra aux élèves de comprendre ce que les auteurs ont écrit.

En 1986, il écrit Cultural literacy : what every american needs to know, (Culture générale : ce que chaque américain doit savoir). Cet ouvrage devient vite un best seller. Il présente une série de faits, événements, citations et informations qu’il considère comme connaissances de base pour tout américain. La même année, il fonde la Core Knowledge foundation qui fournit des programmes pour les écoles, mène des recherches et des ateliers pour les enseignants. Les écoles Core Knowledge se multiplient rapidement. Il est alors le leader d’un mouvement pédagogique que l’on pourrait appeler “retour aux bases”. Il participe aussi à l’écriture du Dictionnary of cultural literacy (Dictionnaire de culture générale) en 1988. Ses idées sont alors très controversées. Bien qu’il soit lui-même libéral, il est accusé d’être réactionnaire et de promouvoir la pédagogie drill and kill (drill signifie exercice et peut avoir aussi un sens militaire ; kill signifie tuer, au prétexte que les exercices répétés en classe tuent l’esprit des enfants).

En 1996, il publie The schools we need and why we don’t have them (Les écoles dont nous avons besoin, et les raisons pour lesquelles nous ne les avons pas). Il accuse les théories romantiques opposées à la transmission des connaissances, non seulement d’être à l’origine du désastre proprement éducatif, mais aussi à l’origine des inégalités grandissantes entre classes sociales. Il reproche à la pédagogie en place de vouloir donner des compétences et des outils tout en refusant d’enseigner un contenu. Il affirme que c’est cette attitude même qui a abouti à la situation telle qu’elle est alors.

Son dernier ouvrage est The knowledge deficit (Le déficit du savoir) en 2006, dans lequel une fois de plus, il affirme les faibles performances en lecture s’expliquent par une culture générale déficiente.

Dans The schools we need, Hirsch fait une citation résumant exactement son cheminement. Il serait bon que nous la méditions nous aussi, et que nous la donnions à méditer à ceux qui prennent les décisions en matière éducative.

« La nouvelle conception de l’enseignement est dans sa phase romantique, dans laquelle le remplacement des méthodes “mécaniques” par les méthodes “naturelles” est devenu exagérément malsain. Autrefois, les élèves acquéraient un certain bagage de connaissances factuelles. Maintenant, ils n’auront bientôt plus de bagages à ordonner... Le plus paradoxal est que ce nouveau type d’école est supposé être démocratique, alors qu’en fait il n’est pas destiné simplement à perpétuer les différences sociales, mais à les cristalliser dans de complexes chinoiseries. » (A. Gramsci, 1932).