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dimanche 30 août 2009

Les enseignants sont-ils stressés ?

Les enseignants sont-ils stressés ?


Il est très courant d’évoquer le stress des élèves, ou leur phobie de l’école. Par contre, celui des enseignants ne fait jamais la une des journaux, c’est sans doute un sujet politiquement incorrect alors que l’on n’hésite pas à parler du burn out des salariés du privé, par exemple. Il est impossible d’accéder à aucune statistique sur la question. Pourtant, c’est une réalité quotidienne. Et cela commence dès l’école primaire. C’est d’elle qu’il s’agit ici.
Voici un certain nombre d’agents stressants qui peuvent expliquer le mal être des enseignants du primaire.

La tâche d’enseignement en soi
Dans cette rubrique, on peut placer les conditions matérielles d’enseignement :
La taille des classes (c’est un travail différent de mener un CP de 18 élèves et un CP de 29), le niveau (par exemple un cours triple ou une classe unique).
Les conditions pédagogiques comme par exemple l’utilisation d’une méthode pédagogique inefficace. À cela plusieurs raisons possibles :
*L’enseignant n’en connaît pas d’autres.
*L’enseignant croit à ses vertus.
*L’enseignant est plus ou moins obligé d’utiliser une méthode qui ne lui convient pas (pression de l’IEN, projet d’école).
L’hétérogénéité de niveau au sein d’une même classe. Elle peut poser problème, notamment aux débutants. On essaie de nous persuader que les différences de niveau sont une chance pour la classe mais, dans les faits, il n’en est rien : l’enseignant ne peut se partager à l’infini pour donner des cours particuliers à chacun des élèves. Un minimum d’homogénéité est nécessaire.

Les élèves
Le rapport avec les élèves peut aussi poser problème. Il s’agit alors de tous les problèmes de discipline, de comportement, de violence physique ou verbale. Je pense que de loin, ce sont les plus graves. Il n’est pas normal qu’un enseignant parte travailler le matin la peur au ventre. S’il n’est pas serein, son enseignement sera de mauvaise qualité.
D’une part, les jeunes enseignants ne sont absolument pas préparés à la réalité du terrain et se trouvent complètement désarmés quand ils la découvrent. D’autre part, les enseignants ont été dépossédés de l’autorité qu’ils pouvaient avoir dans leur classe, et ce pour plusieurs raisons :
Le statut de l’enfant dans la société (enfant roi à qui tout est permis, qui ne sait pas ce qu’est une règle, défendu par ses parents).
Le statut des parents dans l’école (ont une place reconnue dans l’école, participent aux décisions et sont les avocats de leurs enfants).
Le pouvoir décisionnel pédagogique (ex : les redoublements) qui n’appar­tient plus à l’enseignant.
Le respect de l’enseignant dans la société. Du fait de sa perte d’autorité, de sa perte de pouvoir décisionnel, de son salaire très bas, le statut de l’enseignant dans la société a changé. Il n’est plus qu’un subalterne au service de l’enfant et on lui fera part de son mécontentement, de toutes les manières, y compris violentes, s’il ne sait pas reconnaître le génie de l’enfant qu’on lui confie.
Le respect de l’École en tant qu’institution. A cela plusieurs raisons. D’abord l’école, depuis les années 70 (à la suite des « pédagogies nouvelles »), a été désacralisée, elle se défend alors d’être uniquement un lieu de transmission des savoirs, elle se veut lieu de vie et d’épanouissement de l’enfant, un endroit ouvert sur le monde. Le savoir, plus largement, dans la société, n’a qu’une importance mineure dans les mentalités. Il est dépassé par l’argent et la consommation. De plus, les diplômes ne sont plus un sésame pour une meilleure place dans la société. Tout cela fait que l’École, à l’image des maîtres, n’est plus respectée.
Mais le rapport avec les élèves peut aussi s’inscrire dans une dimension purement scolaire, quand par exemple les élèves n’ont pas le niveau requis ce qui est assez fréquent.

Les parents d’élèves
Les parents d’élèves dans les écoles primaires peuvent être également source de stress.
Violence et agressivité. On n’hésite plus  à aller insulter l’enseignant publiquement, dans l’école, à lui faire des procès d’intention, voire à en venir aux mains. Les prétextes sont divers : une mauvaise note, une supposée réprimande, un geste mal interprété … Comment l’enseignant qui a subi ce genre d’agression peut-il continuer son année d’enseignement ? Dans quel état d’esprit se trouvera-t-il chaque matin en arrivant à l’école ? Comment poursuivra-t-il l’année vis-à-vis de l’enfant dont les parents ont posé problème ? Quelque chose aura changé sans doute. En tout cas, il ne sera sûrement pas dans les meilleures conditions pour enseigner, si toutefois il ne se retrouve pas en congé maladie.
Éducation familiale. Les parents d’élèves sont aussi ceux qui dispensent l’éducation de leurs enfants, dont on sait aujourd’hui à quel point elle est défaillante. Ils sont les parents des enfants rois et, en tant que tels, leurs fervents avocats. Ils vont donc intervenir auprès de l’enseignant, non dans le bien scolaire de l’enfant, mais dans la satisfaction des désirs, plaisirs et exigences de celui-ci. Cela signifie qu’il n’y aura pas forcément adéquation entre l’exigence du parent et la vision de l’enseignant qui elle est proprement scolaire ; d’où possibilité de conflit.
Participation des parents aux décisions de l’école. Par leur appartenance au Conseil d’École et leur participation aux décisions, ils peuvent influencer entre autres les partis pris pédagogiques de l’équipe. Ainsi, un enseignant peut se retrouver en situation de ne pas pouvoir exercer sa liberté pédagogique individuelle comme par exemple le choix de sa méthode d’enseignement, de ses manuels, de sa politique par rapports aux sorties ou classes transplantées, tellement réclamées par les parents d’élèves.

Les rapports à la hiérarchie
L’inspection. Il existe bel et bien un stress occasionné par l’appréhension de l’évaluation et ce, quel que soit l’âge de l’enseignant. En primaire, les rapports avec la hiérarchie prennent la forme d’inspections, faites par les IEN. Hormis le jour de l’inspection, l’enseignant ne voit pratiquement jamais son inspecteur, ne le connaît pratiquement pas ; la réciproque est vraie aussi. L’inspection devient alors un événement exceptionnel qui doit avoir lieu tous les 3 ans mais qui dans les faits est bien plus rare. C’est une situation qui peut être vécue comme infantilisante ou même injuste. L’inspecteur va attribuer une note sur 20 après avoir vu une séance d’une heure de classe.
Les directives pédagogiques. A cela, s’ajoutent parfois les pressions pédagogiques exercées par certains IEN, désirant promouvoir certaines méthodes pédagogiques plutôt que d’autres et montrant plus d’intérêt pour la maîtrise d’un discours « pédagogiquement correct » que pour les résultats dans les classes. ­­­

Le climat dans l’école
L’enseignant fait partie d’une équipe éducative, qui est sensée travailler en harmonie. Il est donc indispensable qu’il y règne un bon climat, d’entraide et d’ouverture. Sans quoi cela risque d’être un nouvel obstacle. Il existe des écoles, nous en avons tous connues, au climat délétère, dans lequel les désaccords peuvent être personnels, ou pire encore, pédagogiques.
Je vous laisse imaginer le pire des cas de figure : des élèves au comportement difficile, un niveau scolaire très bas, des parents d’élèves agressifs, une hiérarchie qui vous met la pression, des collègues avec lesquels vous êtes en désaccord.

Les facteurs de stress sont nombreux et variés ; tant que l’on n’aura pas évalué sérieusement cela, rien ne pourra être mis en œuvre pour y remédier. On préfère cependant faire l’autruche et laisser croire à la population que les enseignants sont des privilégiés avec leurs « 3 mois de vacances ». A l’heure actuelle, la pénibilité d’un travail n’est pas uniquement physique. Les multiples dépressions nerveuses ou autres burn out dont sont victimes les enseignants montrent bien quille faudrait revoir la classification de ce métier, sans parler de sa formation, qui elle non plus n’en tient absolument pas compte.