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mardi 4 décembre 2012

Changer les pratiques pédagogiques: mythe ou réalité ?




Dans un entretien sur RTL, Vincent Peillon a annoncé entre autres choses qu’il faudrait « changer les pratiques pédagogiques ». Cela fait partie des solutions proposées pour lutter contre l’échec scolaire. Il l’évoque régulièrement, mais sans préciser exactement de quoi il s’agit, ni pourquoi il faut le faire. Dans ce même entretien, il propose aussi de faire appel aux ressources numériques « pour rendre l’école plus attrayante ».

Il plane une odeur de mystère si ce n’est de flou autour de ce changement pédagogique, à moins que ce ne soit une fois de plus une parole creuse. Mais soyons optimistes et n’oublions pas tout de même que notre ministre nous a assuré que la pédagogie devait « être attentive aux travaux de la recherche ».

Lors d’un entretien pour Télérama, avec le sociologue Jean-Pierre Terrail, Vincent Peillon a montré l’étendue de son embarras sur la question. Ainsi, il a reconnu qu’il « existait des méthodes plus efficaces que d’autres ». Tout en s’empressant d’ajouter que les méthodes relevant des libertés pédagogiques, il ne s’agissait pas que l’école « devienne le lieu d’affrontement d’expertises ». Pourquoi alors avoir mentionné les travaux de la recherche auparavant ? La recherche est tout sauf une opinion. Tout ce qu’il propose de faire par rapport à cette épineuse question de l’efficacité des méthodes est de « construire une culture commune, ce qui suppose que chacun décentre un peu son point de vue ». C’est l’aveu que les questions pédagogiques resteront pour lui une question de point de vue, d’opinion. Et c’est de fort mauvais augure pour l’introduction des données probantes en éducation. Enfin, il termine son argument en expliquant que de toute façon les « bonnes méthodes seront enseignées dans les Écoles supérieures du professorat et de l'éducation ». Il refuse “l’affrontement des expertises” mais prétend tout de même former les enseignants aux bonnes méthodes. Qui décidera que telle méthode est bonne, selon quels critères ? Un constructiviste par exemple pourrait déclarer que l’apprentissage par découverte est bon ; en effet, le constructiviste n’a pas besoin d’utiliser de données probantes, il s’appuie sur des hypothèses séduisantes et parées de mille vertus humanistes mais non vérifiées. Mais nous pouvons rêver et imaginer que la ligne pédagogique de ces “nouveaux” centres de formation serait pluraliste…

Toujours dans le même entretien, Vincent Peillon précise que ces nouvelles (et mystérieuses) pratiques pédagogiques seront de nature à lutter contre l’exclusion provoquée par l’échec scolaire et la tendance des enseignants à fustiger ceux qui ont des difficultés d’apprentissage. Il sous-entend la mise en concurrence des élèves dès l’école primaire. Le bons sens voudrait que pour supprimer cette supposée exclusion, il faille supprimer l’échec et ce par l’utilisation de méthodes d’apprentissage plus efficaces. Mais quelque chose me dit que ce n’est pas l’intention du ministre.

Enfin j’ai retenu le passage sur l’école maternelle ; Vincent Peillon trouve qu’elle est trop centrée sur la préparation à l’école élémentaire et pas assez sur l’épanouissement de l’enfant. Les nouvelles pratiques pédagogiques y mettront un terme. Est-ce à dire que les enfants de maternelle ne sont pas épanouis ? Est-ce à dire qu’ils sont trop préparés pour l’école élémentaire ? L’avis des enseignants de CP serait intéressant à entendre. Voilà ce qui se passe quand on parle de ce que l’on ne connaît pas et que l’on ne connaîtra jamais : la réalité quotidienne du terrain.

J’ai l’impression que la valse des annonces du ministre, ses choix peu assumés, ses discours généralistes, ses phrases creuses montrent une complète méconnaissance de la réalité de l’enseignement, et une volonté d’irénisme qui, si elle est respectable en soi, risque d’unir l’opinion contre lui, au lieu de l’unir autour de lui.


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