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mercredi 4 juillet 2012

Les idées fausses ont la vie dure.



Parmi elles, il en est une consistant à croire que l’enseignement actuel est centré sur le professeur. Ce serait la raison des mauvais résultats des élèves. Je ne connais pas l’histoire de cette expression “centré sur l’enseignant” mais en tout cas son auteur peut se réjouir du succès de sa création. Combien de fois ne nous a-t-on pas expliqué que l’enseignement actuel avait de mauvais résultats car trop “centré sur l’enseignant”…

Que signifie “centré sur l’enseignant” ? S’agit-il d’une façon de faire mettant en vedette le professeur, faisant de lui l’élément indispensable de l’acte d’enseigner ? S’agit-il de vénérer un personnage omnipotent inculquant « la » vérité du haut de ses connaissances ? S’agit-il d’un gourou entouré d’adeptes plus ou moins décérébrés le suivant aveuglément ? En fait, il y a un peu de tout cela. L’expression a une forte connotation négative, sans que l’on sache vraiment pourquoi. Chacun a maintenant intégré l’idée qu’un enseignement centré sur l’enseignant était une mauvaise chose. Et l’on ne prend même plus la peine de dire pourquoi ni comment.

Autant la discussion entre courants pédagogiques pourrait être fructueuse, autant ce genre d’anathème dépourvu de toute explication me semble dangereux. En corollaire de cette expression, il y a l’expression symétrique “enseignement centré sur l’enfant” ou puéro-centré. Tout autant dépourvue de sens précis. Vu que toute forme d’enseignement a pour but d’instruire les enfants, comment pourraient-ils ne pas être au centre des préoccupations du pédagogue ? De la même manière que tout enseignement ayant besoin d’un professeur, il se trouve par conséquent au cœur de la mission qui lui est confiée.

Cette maladroite, pour ne pas dire malhonnête, antinomie n’a pas lieu d’être. En lieu et place on devrait plutôt opposer un enseignement transmissif direct à un enseignement non transmissif. Car c’est vraiment là que se situe la différence entre partisans et praticiens de l’enseignement direct et transmissif et défenseurs du constructivisme. Les premiers savent qu’un enseignement direct et explicite porte ses fruits et revendiquent cette méthode pour plus d’efficacité ; ils s’appuient sur des résultats avérés dans les classes ainsi que sur la recherche pédagogique et neuro-cognitive et sur des expérimentations à large échelle. Les autres, partisans du constructivisme, pensent que les méthodes de découverte basées sur des situations problèmes sont le meilleur outil pour les apprentissages. Malheureusement, ils ne s’appuient sur aucune étude de grande ampleur ni sur aucune recherche neuro-cognitive pour confirmer leur hypothèse. Bien au contraire, la recherche montre que les approches peu guidées sont dommageables pour les élèves et en particulier pour les plus faibles d’entre eux.

Un autre poncif tout aussi erroné que le précédent consiste à penser que le modèle transmissif direct forme des élèves passifs. Pourquoi ? Tout simplement parce que dans cette approche pédagogique, à un moment donné, les élèves doivent écouter les explications ; par conséquent, ils doivent être attentifs. Dans l’esprit constructiviste, on croit qu’un élève attentif est un élève passif. On confond classe agitée et classe active. Prenons un exemple en enseignement explicite : lors du modelage (phase dans laquelle l’enseignant explique, « met un haut-parleur sur sa pensée », montre et questionne) l’élève est sollicité, non sur un plan physique, mais sur un plan cognitif : il suit les explications et répond aux nombreuses questions spécialement conçues pour vérifier sa compréhension. À aucun moment, il ne peut se retirer cognitivement de la classe pour dormir ou rêvasser à autre chose. En aucune manière, l’enseignement explicite n’est un enseignement magistral comme on peut le voir dans les universités ou dans l’enseignement traditionnel que certains voudraient aujourd’hui ressusciter en primaire. Bien au contraire, la passivité des élèves est une conséquence du constructivisme, qui, en les confrontant directement à la complexité sans qu’ils n’aient les moyens de la résoudre, laisse énormément d’élèves sur le côté et leur donne le dégoût des matières scolaires. Quand un élève se trouve devant des situations trop difficiles pour lui, il baisse vite les bras, s’enracine dans une paresse mentale et prend en grippe toute activité scolaire.

Ces deux exemples montrent à quel point la réflexion sur l’enseignement manque de profondeur et préfère les anathèmes aux argumentations. Cela dure depuis plusieurs décennies sans que rien ne change, les ministères se succèdent inlassablement et aucune voix ne s’élève pour redonner un peu de bon sens pour ne pas dire d’intelligence à la réflexion éducative. L’avenir reste sombre.