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mercredi 13 mars 2013

Apprendre par coeur


Dans un article de la série Ask the Cognitive Scientist, Daniel Willingham expliquait toute l’importance des connaissances inflexibles, passage obligé dans le chemin vers l’expertise. J’ai choisi de faire un zoom sur quelques points de son exposé qui me paraissent intéressants et en rapport direct avec nos actions pédagogiques. Pour commencer, penchons-nous sur l’apprentissage par cœur.

Depuis plusieurs décennies, l’apprentissage par cœur est une chose honnie et honteuse. Nous avons tous plus ou moins consciemment intégré cet état de fait, persuadés que cette pratique risquait de transformer les élèves en perroquets idiots. Encore faudrait-il savoir précisément ce que cela recouvre.

Selon D.Willingham, l’apprentissage par cœur ne serait pas aussi répandu qu’on le prétend. En effet, apprendre par cœur signifie, sur un plan cognitif, mémoriser une information sans tenir compte de son sens. Autrement dit, mémoriser uniquement la forme. Cela signifie que l’information sera stockée sans être associée à son sens, uniquement comme un enchaînement de sons. Par exemple, retenir une phrase dans une langue étrangère sans comprendre un seul mot de son sens. Dès lors, on comprend mieux pourquoi cela ne présente aucun intérêt sur le plan des apprentissages. On comprend mieux pourquoi ce n’est pas une pratique à encourager.

Néanmoins, je ne suis pas sûre que la critique traditionnelle à l’encontre de l’apprentissage par cœur porte sur la même conception : elle consiste simplement à dire qu’il ne faut pas faire mémoriser systématiquement et littéralement, exactement comme si toute forme de mémorisation était dénuée d’intérêt et de sens.

Mais au vu de l’explication de Willingham, on comprend alors mieux que les situations d’apprentissage par cœur soient de fait assez rares en classe. En effet, même lorsque l’on demande à un élève de mémoriser un fait qu’il a insuffisamment compris, il est rare que cette incompréhension soit totale au point que le sujet d’étude ne soit pour lui qu’une succession de sons. Cela peut arriver mais reste tout de même une situation exceptionnelle. Prenons l’exemple des tables de multiplication : quand vient le moment de faire mémoriser les tables de multiplication aux élèves, ils savent déjà ce qu’est une multiplication, à quoi ça sert et comment cela fonctionne. Ils savent aussi que lorsque l’on récite la table de 4, les résultats augmentent de 4 à chaque fois. Même s’ils n’ont qu’une compréhension de la structure de surface, (que les psychologues cognitivistes opposent à la compréhension en profondeur des concepts et idées) ils n’apprennent pas par cœur, ils associent du sens à leur stockage en mémoire, même si ce sens est partiel. C’est n’est donc pas purement de l’apprentissage par cœur. Il s’agit là de ce que l’on appelle une connaissance inflexible.

Il ne faut donc pas redouter de demander aux élèves la mémorisation de certaines informations  à condition bien sûr, qu’elles soient associées à du sens, même si celui-ci est partiel. La pratique et la compréhension à elles seules ne suffisent pas à mémoriser. Certaines connaissances doivent être automatisées, comme par exemple les tables de multiplication, certains réflexes orthographiques. Face à une situation complexe, l’élève pourra libérer sa mémoire de travail pour la consacrer au raisonnement.



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