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jeudi 11 décembre 2014

Éloges et esprit dynamique

Les travaux de Carol Dweck sur l’esprit dynamique et l’esprit statique sont maintenant bien connus. Une nouvelle étude a été menée récemment afin de déterminer l’impact des éloges dans la constitution d’un esprit dynamique ; il en ressort que  tous les éloges ne se valent pas et que parfois, certains encouragements peuvent aboutir à l’effet inverse de celui souhaité.

L’expérience portait sur plus de 400 élèves de CM2, d’horizons variés. On a donné à chacun divers exercices, tirés de tests de quotient intellectuel. À la fin du test n°1, les élèves ont été complimentés de deux manières. Le premier groupe, appelons-le I,  a été félicité sur son intelligence : « Vous avez bien répondu, vous êtes doués sur le sujet ». Le deuxième groupe, appelons-le E, a été félicité sur les efforts produits : « Vous avez bien répondu, vous avez travaillé dur pour parvenir à ce résultat. » L’impact de ces deux manières de féliciter est très important.

Puis, pour l’épreuve suivante, chaque élève a eu un choix à faire : choisir entre un test plus difficile, mais qui serait pour eux l’occasion d’apprendre plus et de progresser, ou alors un test semblable au précédent, qu’ils réussiraient sans aucun doute.  Dans le groupe I (groupe félicité sur son intelligence), 67% ont choisi la version facile. Dans l’autre groupe, 92% ont choisi  le test plus difficile.

Voici, en substance l’explication de Carol Dweck. Selon elle, l’enfant, comme l’adulte, se dit : « Vous pensez que je suis brillant, c’est pourquoi vous m’admirez et que j’ai, à vos yeux, une certaine valeur. Par conséquent, je n’ai pas intérêt à faire quoi que ce soit qui puisse briser cette appréciation positive ». C’est ainsi que les enfants construisent un esprit statique et qu’ils limitent le développement de leurs talents. Par contre, si l’on insiste sur les stratégies mises en œuvre, sur les manières d’aller plus loin, de faire face à des tâches difficiles, alors on est dans un processus de développement et de progrès. Les enfants comprendront qu’une erreur de leur part ne sera pas imputée à un manque de talent ou d’intelligence. Ils auront compris que s’ils ne relèvent pas des défis en se frottant à des tâches de plus en plus difficiles, ils ne progresseront pas, ils ne grandiront pas. »

Dans la 3ème étape de l’expérience, on a donné aux élèves un test vraiment très difficile, pratiquement infaisable. On voulait connaître la façon de réagir des deux groupes face à une importante difficulté. Le groupe E (ayant été félicité sur ses efforts) a été capable de travailler plus dur et plus longtemps sur la question et a pris plaisir à l’expérience. L’autre groupe, ayant été félicité sur son intelligence, a été frustré par l’exercice et a abandonné beaucoup plus vite.

Le 4ème test était du même niveau que le premier, à savoir très facile. Les élèves du  groupe I ont eu de moins bons résultats qu’au premier test, marquant une baisse de 20%. Le groupe E, au contraire, s’est amélioré d’environ 30%, soit un écart entre les deux groupes de 50%.

Voilà une expérience montrant comment l’éloge peut encourager ou limiter le développement d’un enfant sur le plan des apprentissages. Tous les adultes qu’ils soient enseignants, parents, éducateurs ont compris l’importance des éloges mais tous ne savent pas que certains types d’éloges peuvent se révéler contre-productifs.

Il me paraît urgent que ce genre de conclusions soient connues du plus grand nombre, et en particulier des enseignants. Malheureusement, l’idéologie constructiviste, dominante dans les classes, constitue une grande force de résistance à des idées telles que les efforts et une pratique abondante. Elle laisse croire aux enfants par exemple, qu’ils apprendront mieux en jouant, ou que tous peuvent sans effort parvenir à des résultats, ou encore qu’avant même de posséder les bases, tous peuvent devenir des experts etc… Elle n’a pas de mal à persuader les élèves en édulcorant les évaluations, ou en les supprimant. Dans cette forme pédagogique, pas de défi véritable, mais une mise en contact immédiate avec la complexité sans que l’élève ne possède les moyens de l’affronter. Voilà qui laisse de côté bien des élèves et les conforte dans la piètre opinion qu’ils ont d’eux-mêmes. Tous les ingrédients sont là pour que les élèves acquièrent un esprit statique. Phénomène encore aggravé dans les familles où l’éducation consiste à surprotéger les enfants, à aplanir pour eux toute éventuelle difficulté et à faire en sorte qu’ils ne connaissent aucune frustration.   

À l’école, l’Enseignement Explicite sort du lot commun car sa démarche intègre l’acquisition de l’esprit dynamique. Il complimente systématiquement et abondamment sur les efforts fournis et sur les stratégies utilisées. Il donne à tous les élèves l’envie et les moyens de faire les efforts ; il leur permet de maîtriser les stratégies par un enseignement explicite, progressif qui ne laisse rien dans l’ombre. Les élèves réalisent alors que les résultats sont à la portée de tous, car les efforts le sont aussi ; il n’y a pas d’un côté les élèves nantis par la nature d’une intelligence supérieure et de l’autre les autres.

L’esprit dynamique est l’une des clés, et non des moindres, des apprentissages réussis, et au-delà,  d’un parcours de vie réussi. L’école est le lieu rêvé pour qu’il s’y développe. Mais encore faudrait-il que les moyens soient mis en œuvre pour cela, à commencer par des méthodes pédagogiques propres à le susciter. De toute évidence, les réformes qui se préparent, une fois de plus, vont dans une direction opposée.  


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