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samedi 31 janvier 2015

Brain Gym : sortons l'anti-mythe

C’est peu dire que les neuromythes sont très répandus dans l’enseignement. Et ce, en dépit des preuves en montrant le caractère erroné. Norman Baillargeon, entre autres, en a fait le sujet d’un ouvrage très intéressant, Légendes pédagogiques.

Je m’attarde aujourd’hui sur le mythe relatif au programme Brain Gym[1] après avoir parcouru une publicité reçue dans notre école…

C’est un programme déjà ancien puisqu’il date des années 70, il fut mis au point en Californie par P.Dennison. Le principe soutient que des exercices moteurs spécifiques améliorent les apprentissages, on parle d’apprentissage par le mouvement ou de kinésiologie éducative. Que l’on ne s’y trompe pas : la terminologie à consonance médicale n’est pas une garantie de sérieux, nous en sommes bien loin. Les mouvements proposés sont au nombre de 26, ils sont supposés stimuler les trois dimensions du corps et du cerveau : latéralité, centrage et focalisation. Ils doivent aussi favoriser : l’attention, l’écoute, la coordination, le balayage visuel, la compréhension écrite, la compréhension orale, la mémoire courte, moyenne et longue, le repérage dans l’espace et dans le temps, le stress lié à l’école. A lire cette publicité, on apercevrait presque le bout du tunnel … Un exemple vous éclairera sans doute. Toucher le genou droit avec le coude gauche et le genou gauche avec le coude droit doit « activer les deux hémisphères du cerveau, favoriser la circulation des informations entre eux, entraîner une meilleure concentration ».

Bien entendu, la communauté scientifique s’est penchée sur ce programme et elle a été unanime : c’est une pseudo-science, dans la mesure où elle ne s’appuie sur aucune étude rigoureuse, le consensus parmi les scientifiques est aujourd’hui établi. En 2008, 13 chercheurs britanniques ont sonné l’alarme et diffusé aux autorités éducatives une note les prévenant de l’absence de fondement scientifique dans l’outil Brain Gym, ainsi que du manque de preuve quant à son efficacité pour les apprentissages scolaires. De même, l’organisation Sense about Science, qui a pour but, dans divers domaines, de démythifier certaines croyances, sur des bases scientifiques, a livré ses conclusions sur le programme en argumentant point par point. Prenons un exemple précis : l’un des 26 éléments du programme BG consiste à masser deux points nommés pour la circonstance Boutons cérébraux, situés sous les clavicules de part et d’autre du sternum,  pendant que l’autre main est posée sur le nombril. Cela est supposé : « activer le cerveau pour envoyer des messages depuis l’hémisphère droit  vers le gauche, mieux l’oxygéner, stimuler la carotide afin qu’elle fournisse plus de sang au cerveau, augmenter le flux d’énergie électromagnétique ; » Voyons ce qu’en dit le professeur David Attwell, neuroscientifique : « Il n’y a aucune preuve que le massage de ces zones améliore le passage des signaux de l’hémisphère droit vers le gauche. La seule manière pour que le cerveau reçoive plus d’oxygène serait de faire augmenter le flux de sang ; stimuler le sinus carotidien conduit à une chute de la production cardiaque et potentiellement, moins d’oxygène atteint le cerveau. Le massage de ces points ne génère pas d’énergie électromagnétique, que ce soit sous forme de lumière, de chaleur ou d’ondes radio. »

Sont également réfutées les explications fantaisistes relatives au fonctionnement du corps humain par  BG telles que : «  L’eau est un excellent conducteur d’énergie électrique … Boire de l’eau active le cerveau pour un stockage plus efficace et une meilleure récupération des données. » Chacun sait que l’eau est un très mauvais conducteur électrique, elle ne conduit l’électricité que lorsqu’elle contient des métaux en dissolution. Autre exemple, l’affirmation selon laquelle, travailler avec des objets électroniques (ordinateur, tablette, télévision) déshydraterait le corps. Rien ne l’a jamais montré ; ce n’est pas plus déshydratant que de travailler sur un support papier.

Les militants de la kinésiologie, et de Brain Gym en particulier, ont un système de communication au point. Il est très facile, moyennant plusieurs centaines (voire milliers) d’euros ou de dollars de devenir professionnel et de pouvoir s’installer comme consultant, animateur et de diffuser ainsi cette pratique ...

En 2009 , le gouvernement britannique a mis en garde les écoles en soulignant que Brain Gym était qualifié de non scientifique dans un  grand nombre de revues spécialisées et faisant autorité dans la recherche en neuroscience et en éducation. Néanmoins, ni le bon sens, ni les réfutations scientifiques n’ont encore eu raison de ces balivernes qui  ont franchi la porte des écoles dans de nombreux pays. Les États Unis bien sûr, le Canada, où la méthode s’est aussi récemment implantée. Au Royaume Uni, en 2008, on évaluait à plusieurs centaines le nombre d’écoles, surtout élémentaires, ayant intégré ce programme à leur enseignement. Dans l’ensemble, les observateurs ont remarqué que les enseignants qui utilisent ou ont utilisé ce programme disent qu’il semble améliorer les résultats mais ne parviennent pas à illustrer leurs propos de données concrètes. Si effet placebo il y a, il se situe dans la tête des enseignants.

Nous devons nous interroger sur ce phénomène d’adhésion inconditionnelle en dépit des avertissements des scientifiques, questionnement qui vaut bien sûr pour toutes les autres légendes pédagogiques. C’est un fait : les enseignants n’ont pas de scrupule à utiliser des méthodes dont l’efficacité est mise en cause. Le meilleur exemple en l’adhésion généralisé au modèle constructiviste que les données ne placent pas au rang des méthodes efficaces. Ou bien la croyance autour de pédagogies prenant en compte les styles dominants d’apprentissage. Les exemples seraient légions. Est-ce à dire que les enseignants sont des sots ? Non. À leur décharge, ces mythes sont séduisants et font volontiers appel à des idées débordantes d’humanisme et contre lesquelles il est difficile de résister. Le vernis pseudo-scientifique, les titres ronflants exhibés par les professionnels font le reste. De plus, les enseignants qui succombent aux sirènes de la gymnastique cérébrale ou autre faribole sont ceux qui s’intéressent au fonctionnement du cerveau et s’auto-forment en quelque sorte ; le bouche à oreille aidant, les réseaux sociaux, il y a plus de chance qu’ils achèvent leur parcours sur le site de Brain Gym que sur celui de Stanislas Dehaene ou Daniel Willingham pour n’en citer que deux.

Si cela est possible, c’est parce les enseignants n’ont pas été formés comme des professionnels. Même si la recherche neurocognitive appliquée à l’enseignement est récente, il est choquant de constater que les enseignants n’en sont pas tenus au courant par la formation continue obligatoire. Que dirions-nous si les médecins n’avaient pas un accès facilité aux conclusions de la recherche en temps réel et  s’ils ne tenaient pas compte des dernières avancées dans leur pratique professionnelle ? Les enseignants n’ont reçu dans leur formation initiale aucune culture scientifique relative à la recherche en cours, à ses résultats, à leur interprétation, bref aucun sens critique professionnel. Ne nous étonnons pas par exemple, que n’importe quelle expériencette de classe sur une vingtaine d’élèves, ait autant de poids que les résultats du Follow Through par exemple. Je n’ai encore jamais trouvé de formation continue proposant par exemple un état de la recherche sur l’efficacité des méthodes pédagogiques. Par conséquent, les enseignants, de fait, ne sont que les victimes d’un système de formation qui ne les a pas équipés des moyens d’exercer leur métier correctement. La formation initiale comme continue n’accorde aucune place aux données probantes, aucune place à l’état de la recherche, surtout quand elle va à l’encontre de l’idéologie dominante en éducation. Alors qu’il est donné comme ambition de développer l’esprit critique chez les élèves, leurs enseignants n’ont pas été formés à l’esprit critique professionnel. Les enseignants qui malgré tout, sont curieux d’en savoir plus sur le fonctionnement du cerveau, s’auto-forment et tombent immanquablement sur ces neuromythes qui eux, sont largement diffusés. Ils n’ont pas le réflexe ni les moyens d’aller plus avant et de se renseigner sur la validité des choses.

Au Royaume Uni, une enquête (Wellcom Trust) a montré que les enseignants intéressés  par l’utilisation des neurosciences en classe y sont venus grâce au bouche à oreille : pour 53% de l’institution, pour 41 % de collègues, pour 30 % de conseillers professionnels. Par contre, peu d’enseignants cherchent à se renseigner sur le bien-fondé des méthodes basées sur les neurosciences : 9 % le font à l’occasion de conférences, 5% par la presse éducative spécialisée et 17% par d’autres médias éducatifs.

La persistance de ces légendes pédagogiques discrédite la véritable neuroscience qui, elle peut beaucoup apporter pour améliorer l’enseignement ; ce faisant, c’est de l’eau au moulin des détracteurs des données probantes en éducation. Le seul remède serait une refonte totale du métier d’enseignant, une reprofessionnalisation qui s’appuierait sur une formation sérieuse au terme de laquelle tout enseignant serait capable de distinguer le bon grain de l’ivraie en matière d’outils et de méthodes. Encore faudrait-il que les décideurs acceptent les données probantes. Nous en sommes encore loin.






[1] Ou Gymnastique cérébrale. Brain Gym est une marque déposée.

samedi 24 janvier 2015

Précision terminologique: Direct Instruction, direct instruction

Une fois de plus en me promenant sur la toile, je constate la grande confusion qui règne à propos de l’Enseignement Explicite et de sa famille pédagogique. Loin de moi l’idée de jeter la pierre à ces enseignants autodidactes qui tentent avec plus ou moins de bonheur d’informer leurs collègues. Bien que validée largement et depuis longtemps par la recherche, cette famille pédagogique ne fait toujours pas partie du programme officiel d’enseignement dans les instituts de formation des professeurs. Ceci explique sans doute cela.

Je lisais donc les propos d’une enseignante affirmant qu’enseignement explicite, direct instruction et Direct Instruction étaient exactement la même chose. Je renvoie ceux que cela intéressent à cette mise au point toujours d’actualité. Pour faire court, s’il ne fallait retenir que deux éléments historiques ce serait les personnes de Siegfried Engelmann et Barak Rosenshine.

Tout commence dans les années 60 avec Siegfried Engelmann qui met au point une méthode pédagogique complète (clés en mains) ; elle est explicite, structurée, transmissive ; il invente le script pour l’enseignant qui détaille toutes les composantes de la leçon, y compris ce qu’il doit dire ; la méthode contient les évaluations formatives, sommatives, les indications pour la constitution des groupes de niveaux… Les écoles qui s’engagent dans le D.I. sont suivies par des formateurs qui les visitent régulièrement. S.Engelmann raconte en détail cette passionnante aventure dans son ouvrage Teaching Needy Kids in our Backward System. Sa méthode s’appuie sur les études menées pendant les 30 années précédentes,  relatives aux comportements pédagogiques efficaces. Comme on le sait, la méthode de Siegfried Engelmann sera sélectionnée pour participer à l’impressionnante étude Follow Through et en sortira, à la grande surprise de beaucoup, gagnante sur bien des plans. Cela s’appelle Direct Instruction ou D.I. Aucune version française n’existe. Aucun enseignant français ne la pratique.

En 1976, Barak Rosenshine, un autre Américain, faisait une étude sur l’efficacité de l’enseignement, il s’intéressa bien sûr aux résultats du Follow Through et découvrit un certain nombre de principes directement liés à la réussite des élèves. Comme par exemple, l’importance des connaissances préalables, la nécessité de procéder par étapes progressives, d’expliquer clairement, de poser des questions, de  fournir du feedback, une pratique abondante … Cette approche a largement été développée par la suite, notamment par les chercheurs canadiens francophones Clermont Gauthier, Steve Bissonnette et Mario Richard. En français, on l’a nommée Enseignement Explicite. Les Américains disent direct instruction, explicit teaching, explicit instruction et parfois même small di.  Cette méthode pédagogique est très structurée et  fait partie, tout comme son frère  D.I.,  des méthodes basées sur les données probantes, qu’il s’agisse de recherche pédagogique empirique ou de sciences cognitives, psychologiques ou neuro-sciences. Les leçons suivent un plan particulier. On y retrouve largement les fondements théoriques du D.I. Néanmoins, l’Enseignement Explicite n’est pas labellisé comme l’est le D.I. et l’enseignant peut le mettre en œuvre tout seul, en utilisant le matériel qui lui convient. Ce courant pédagogique, bien que ne faisant pas partie des méthodes encouragées et encore moins enseignées par notre ministère, est malgré tout utilisée par des enseignants français. Form@PEx en est le site référent en langue française.


Cette précision n’a pas pour but de pinailler sur les mots ni d’entrer dans une sorte de concurrence entre courants du même type. L’imprécision est révélatrice d’une incompréhension, laquelle peut mener à des actions pédagogiques contre-productives ou à des croyances fausses. Si l’on veut que les méthodes pédagogiques issues des données probantes aient leur place dans l’enseignement, il faut que les choses soient claires et limpides, sans quoi on a vite fait de propager des contre-vérités. Certes, c’est un travail de longue haleine, répétitif, comme l’est l’enseignement, mais j’ose espérer qu’à force de dire et redire ce qu’est l’Enseignement Explicite, et surtout ce qu’il n’est pas, les choses avanceront un peu. Nous entraînons nos élèves à la précision des mots, alors c’est une moindre chose que d’en faire de même avec nos approches pédagogiques. 


mercredi 21 janvier 2015

Enseignement de la lecture, le déni de réalité

Voici un cri du cœur relatif à l’enseignement de la lecture. Il s’intitule Research About Reading Instruction - A Time For Action. Il est écrit par Robert W. Sweet, Jr président de l’association américaine National Right to Read Foundation.

En quelques mots bien sentis, l’auteur s’indigne contre l’entêtement qui perdure depuis des décennies et qui consiste à utiliser pour l’enseignement de la lecture, une approche inefficace et déconseillée par la recherche. En voici un court résumé.

Cela fait plus d’un siècle que l’on se penche sur l’enseignement de la lecture. R.W.Sweet évoque bien entendu la pionnière de renommée internationale, Jeanne Chall, enseignante à Harvard, qui en 1967, a étudié tous les travaux sur la question, depuis le début du siècle, pour en conclure à l’absence totale de preuve justifiant l’utilisation d’une approche globale. Au contraire, tout montrait la nécessité d’un enseignement explicite, systématique et phonique ; une lecture efficace était impossible par une approche globale. A ce moment même, je note qu’en France nous étions en pleine découverte de la méthode globale, et hormis quelques enseignants expérimentés qui rechignaient à abandonner une méthode qui fonctionnait, c’était l’ivresse de la nouveauté. A cette époque, les éditeurs américains ont malgré tout continué de publier des manuels et des méthodes d’approche globale.

En 2000, le National Reading Panel s’est penché sur plus de 100 000 études sur l’enseignement de la lecture, le  rapport a été largement diffusé et les conclusions identiques à celles de Jeanne Chall, faites plusieurs décennies auparavant. Des millions de dollars ont été dépensés pour mettre en œuvre les conclusions du NRP mais la communauté éducative a persisté à refuser catégoriquement de changer ce qu’elle considérait comme « vérité ».

Un rapport de 2013 (Teacher Prep Report from the National Council on Education Quality) pointait la défaillance des instituts de formation des enseignant dans la préparation des professeurs à l’enseignement de la lecture. Il observait que les professeurs étaient toujours attirés par les pratiques nocives des années précédentes et que les administrateurs scolaires continuaient d’imposer des manuels d’approche globale.

Aujourd'hui, la situation est inquiétante car les statistiques nationales révèlent année après année qu’un tiers des élèves ne lisent pas efficacement à la fin du CE2.L’effet cumulatif sur plusieurs générations selon le National Adult Literacy Survey est qu’un adulte américain sur deux sait pas lire du tout ou bien lit très mal. Tout cela a un coût économique et social exorbitant. Selon l’auteur, ce n’est pas le Common Core qui pourra y mettre un terme, ni une injection d’argent, ni la réduction de la taille des classes, ni le choix des enseignants. Le changement se produira uniquement s’il y a une prise de conscience de l’opinion à propos de l’usage généralisé de méthodes contre-productives.

La recherche se poursuit. Depuis 2000, elle s’est focalisée sur la manière dont le cerveau est affecté par l’enseignement de la lecture. Une fois de plus les conclusions confirment celles plus anciennes. Il n’existe aucune preuve, permettant de justifier un enseignement global. La triste vérité est ici. Aucune étude scientifique empirique sur l’enseignement de la lecture sur plus d’un siècle, n’a jamais conclu que la mémorisation des mots est le meilleur ou le plus efficace moyen pour apprendre à lire l’anglais.

Il cite le chercheur Keith Stanovich dans son ouvrage « Progress in Understanding Reading: Scientific Foundations and New Frontiers, (2000) » qui concluait  que :
«  L’enseignement direct du code alphabétique facilite l’acquisition précoce de la lecture, cela est l’une des conclusions les plus solidement argumentées dans toute la science comportementale. Inversement, l’idée selon laquelle apprendre à lire est comme apprendre à parler n’est admise par aucun linguiste, psychologue, cognitiviste dignes de ce nom, dans la communauté scientifique. »
Mais aussi Stanislas Dehaene (“Reading and the Brain: The New Science of How We Read” (2009)
«  L’approche globale a été officiellement abandonnée. Cependant, je la suspecte d’être toujours présente dans l’esprit des enseignants parce que ses avocats sont encore fermement ancrés dans leurs positions. En France, comme aux États Unis, des efforts pour concilier les deux camps ont conduit à l’adoption d’un compromis malsain appelé méthode mixte. »

L’auteur remarque que certains réclament encore plus d’études. Il met en exergue l’abondance des études existantes et la convergence de leurs conclusions qu’il qualifie de « lois naturelles ». Non sans humour, il fait un parallèle avec la loi de la gravité ; qui songerait à demander aujourd’hui encore plus d’études pour prouver qu’un rocher précipité du haut d’une falaise va tomber vers le bas, plutôt que vers le haut ou sur le côté ?
Pourtant, il en est ainsi de l’enseignement de la lecture : plus d’un siècle de conclusions scientifiques sur son enseignement efficace n’ont toujours pas raison de cette croyance solidement ancrée dans les esprits.

***

Ce coup de gueule est complètement d’actualité chez nous, mais on pourrait l’attribuer plus largement aux méthodes pédagogiques inefficaces en général. Cet état de fait qui perdure depuis des lustres est inquiétant car il nuit à l’instruction des élèves, les plus vulnérables étant ceux issus de milieux culturellement défavorisés. Et l’on sait à quel point des enfants ou des adolescents illettrés sont des proies faciles dans le monde actuel.

Plus largement, il serait urgent de réfléchir aux raisons de cet entêtement universel qui empêche les acteurs de l’éducation d’ouvrir les yeux sur le monde réel et sur les données probantes de la recherche. En ce sens, l’auteur de l’article a complètement raison quand il dit que les « guerres de la lecture » sont maintenant terminées. En effet, nous avons dépassé ce stade. Si guerre il y avait, elle devrait se définir entre les partisans et les adversaires des données probantes en éducation. On pourrait aussi dire entre ceux qui vivent dans la réalité et ceux qui la nient. Vaste sujet d’étude.


Bibliographie de l’article
Greenberg, Julie; McKee, Arthur; Walsh, Kate.  Teacher Prep Review:  A Review of the Nation’s
Teacher Preparation Programs.  National Council on Teacher Quality, 2013.
National Adult Literacy Survey, U.S. Department of Education, 2003.
Stanovich, Keith E.  Progress in Understanding Reading, p. 415.  New York:  The Guilford Press,
2000.
DeHaene, Stanislas.  Reading in the Brain:  The New Science Of How We Read, p. 220.  
London, England:  Penguin Books, 2009.  
Blumenfeld, Samuel L.  Phonics for Success, pp. 14647.  Waltham, MA:  Phonics for Success
Company, 2014.



lundi 12 janvier 2015

Instruction et valeurs

Cela devait arriver ; le ministre de l’Éducation Nationale compte sur  l’École pour lutter contre le terrorisme islamiste  « porter les valeurs de la République », «  faire vivre et transmettre les principes», tels qu’une culture commune de tolérance mutuelle et de respect, le  refus de l'intolérance, de la haine, du racisme et de la violence,  la liberté de conscience, d'expression …Serait-ce reconnaître que l’École a failli, en matière de transmission des valeurs « républicaines » ? Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir mis l’accent sur l’éducation civique et morale dans les programmes, et ce depuis de nombreuses années. Alors, il faut croire que d’autres éléments sont à prendre en compte.

Si les valeurs républicaines inculquées par l’école se présentent comme un catéchisme citoyen à assimiler sans que les élèves n’aient la culture nécessaire à sa compréhension, cela est inutile voire contre-productif, surtout quand ces mêmes valeurs sont en désaccord profond avec celles transmises par les familles ou l’environnement.

Je suis persuadée néanmoins que l’École a un rôle à jouer dans la transmission des valeurs fondamentales de notre société. Mais ce n’est pas un énième programme d’éducation civique et morale qui changera grand-chose à mon sens. Il en va des valeurs comme de l’esprit critique[1], elles ne s’acquièrent que dans le cadre d’une culture acquise et comprise. Si nous voulons que l’enseignement dispensé forme des citoyens éclairés, ce qui de toute évidence n’est pas le cas actuellement, il faut transmettre tous les éléments culturels qui vont permettre l’exercice de la compréhension profonde, de l’esprit critique et de la pensée en général. Autrement dit, tout ce qui permettra à l’individu de ne pas se laisser dominer par le dernier gourou à la mode ; tout commencerait donc par une maîtrise parfaite de la lecture en fin de scolarité élémentaire, la lecture étant une voie d’accès à la culture et à la pensée. C’est un fait : il y a un nombre élevé d’élèves de sixième ne parvenant pas à comprendre un texte simple (15% connaissent même des difficultés de lecture sévères ou très sévères[2]).Pour eux commence alors le cycle inéluctable de l’échec scolaire. On imagine aisément à quel point il sera facile de les endoctriner, que ce soit sous des étiquettes religieuses, politiques ou autres, pour peu qu’ils soient aussi en rupture sociale et familiale. 

Effectivement, l’École aurait un rôle à jouer mais il faudrait pour cela opérer une véritable et profonde révolution. Tout d’abord en redonnant à l’institution et aux enseignants l’autorité perdue et en ayant pour seule boussole la recherche d’efficacité, ce qui en d’autres termes signifierait s’appuyer sur les données probantes. En bref, il faudrait que l’École entre enfin dans la réalité et cesse d’être une sorte d’univers parallèle peuplé de bisounours. La réalité nous rattrape de toutes façons et le prix à payer est alors exorbitant.








jeudi 8 janvier 2015

Liberté d'expression

" Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites mais je me battrai pour que vous ayez le droit de le dire." 
(citation apocryphe)

Dessin de Ruben L.Oppenheimer