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vendredi 17 mars 2017

L’École dans la campagne électorale



Campagne présidentielle oblige, chaque candidat se penche sur l’École. En consultant les programmes des principaux candidats [1], je ne constate rien de nouveau sous le soleil. Si on poussait la naïveté jusqu’à y croire, on pourrait imaginer des lendemains éducatifs qui chantent et une école désormais efficace. Mais malheureusement, le mot efficacité ne s’affiche pas vraiment en titre de programme. Toujours les mêmes antiennes,  en voilà quelques-unes, pêle-mêle, je vous laisse déterminer si elles sont de droite, de gauche, du milieu ou d’une autre planète. 

Les apprentissages fondamentaux, l’épanouissement de l’élève, les uniformes (appelés aussi, dans un souci de ne pas heurter, « tenues vestimentaires spécifiques ») , le combat pour le primaire, la baisse des effectifs dans les classes difficiles, la scolarité obligatoire à 5 ans, à 3 ans, la mixité sociale dans les écoles, la laïcité, le boulier pour le calcul, le numérique, les stages de remise à niveau, le rétablissement du redoublement, l’examen de passage en 6ème , l’augmentation des salaires, le recrutement de 60 000 enseignants, l’abandon du socle commun, le rétablissement de l’autorité des enseignants, encore plus de parents dans l’école, retour de la pédagogie classique et éprouvée, le lever du drapeau dans les écoles qui le désirent, de l’argent public pour l’école publique, la politesse et le vouvoiement, l’abrogation de  la réforme du collège, la priorité à l’éducation artistique, la suppression des ELCO, les devoirs pendant le temps scolaire…

Même si certains candidats ont fait un effort de présentation, on sent bien l’absence de structuration et d’articulation des idées. Il s’agit d’énumérer des actions ou des intentions, de préférence à fort impact dans l’imaginaire collectif (ex : les uniformes, le numérique) afin d’attirer le chaland. Ainsi, certains annoncent qu’il faut restaurer l’autorité de l’enseignant. Mais aucun n’explique comment il va s’y prendre, ni les raisons de cette perte d’autorité ; ce n’est pas en permettant ou en obligeant le port de l’uniforme que l’autorité de l’enseignant sera restaurée. Autre exemple, il faut plus de parents dans l’école. Sans expliquer pourquoi cette mesure (déjà en œuvre depuis très longtemps) permettrait une amélioration des résultats.  En aucune manière, il n’est question d’ouvrir les yeux sur les causes de l’échec de l’École et d’y apporter une réponse basée sur des données tangibles. 

Voyons ce qui concerne les apprentissages à proprement parler.
Beaucoup parlent des apprentissages fondamentaux ; cela fait des années que l’on nous proclame le retour aux fondamentaux. Or, depuis le temps, aucun progrès sur le niveau des élèves, justement dans ces matières fondamentales (comme dans les autres d’ailleurs). Pourquoi ? Cela ne vient à l’idée de personne qu’il faudrait se pencher sur les méthodes de transmission de ces fondamentaux. Pourtant certains sont bien critiques à l’égard des gouvernants précédents. 

Un seul candidat évoque un changement pédagogique par le retour à une « pédagogie classique et aux pédagogies éprouvées ». Mais, qu’est-ce que la pédagogie classique ? Sans doute la façon de faire d’antan. Que sont les pédagogies éprouvées ? S’agirait-il des pratiques basées sur les données probantes ? Nous n’en saurons pas plus. Le même, propose la méthode de lecture alpha syllabique pour la lecture ce qui est une bonne chose en soi Puis, dans la lancée, le boulier est élevé au rang de méthode pédagogique pour le calcul. Je note par ailleurs que les mathématiques disparaissent au profit de l’arithmétique seule. Il y a chez un autre candidat également une proposition pédagogique, celle de la différenciation et de l’individualisation. Alors que la recherche montre que cela n’est en rien efficace. 

Certains proposent l’augmentation du temps d’enseignement consacré à ces fondamentaux. Or, sans une méthode efficace pour les transmettre, l’enseignant pourrait passer toutes les heures de la semaine sur la question, il n’y parviendra pas mieux. De la même manière, la baisse des effectifs dans les classes difficiles, est certes plus confortable pour les élèves comme pour l’enseignant, mais si elle ne s’accompagne pas d’une méthode pédagogique dont l’efficacité est avérée, elle n’améliorera pas les résultats de manière tangible. La recherche l’a également démontré.Quant aux outils pédagogiques proposés, on trouve parmi eux l’incontournable numérique avec son aura de panacée, ainsi que le boulier. 

Tous partis confondus, tout se passe comme s’il n’y avait pas eu de réflexion de fond sur l’échec de l’école. Un seul candidat évoque la mainmise des pédagogistes sur l’école actuelle ; mais pourquoi ne pas appeler les choses par leur nom et ne pas citer nommément le courant constructiviste afin de centrer le débat sur les pratiques pédagogiques.

Puisque tous disent se soucier de formation, pourquoi ne pas introduire dans la formation toutes les méthodes pédagogiques, surtout celles qui sont répertoriées comme efficaces et n’y figurent toujours pas aujourd’hui de manière incontournable. Pourquoi ne pas former aux méthodes de gestion de classe et de comportement efficaces, déjà expérimentées et efficaces aussi. Bref, pourquoi ne pas introduire les données probantes en éducation, ce serait une proposition révolutionnaire et propre à améliorer véritablement les choses.

Non, au lieu de cela, on parle d’uniforme, de numérique, de mixité sociale et de mallette des parents d’élèves ! Tout se passe comme si la question éducative, tellement engluée dans un contexte idéologique, conduisait les responsables à prendre des décisions allant à l’encontre de l’efficacité, tout cela pour rester dans le courant dominant, tout cela pour passer pour des humanistes. Tout se passe comme si, les responsables ou futurs responsables n’étaient pas équipés pour raisonner honnêtement et intelligemment, avec pour seul objectif l’amélioration des résultats, sans avoir peur des bouleversements que cela pourrait produire dans la sphère éducative en place aujourd’hui.  

L’École est un sujet qui plaît aux politiques et ils adorent émailler leurs discours d'envolées lyriques du type, « la réussite de tous et l’épanouissement de chacun » ou « priorité au primaire », ou encore « pour une école plus juste ». Et surtout, ils sont rarement tenus pour responsables des échecs. Les enseignants suivent les consignes de la hiérarchie, et les parents d’élèves, pour une grande majorité, se contentent d’une école qui garde leurs enfants, les distrait et surtout leur fait croire qu’ils « ont acquis » les compétences nécessaires, ce qui se traduit par un magnifique smiley de couleur verte. Quant aux autres parents, ils court-circuitent le système public pour donner à leur enfants un enseignement efficace. C’est je crois, ce que font aussi les politiques dans leurs propres familles. 




[1] Dupont-Aignan, Fillon, Hamon, Macron, Mélenchon, Le Pen

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