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mardi 21 mars 2017

Rétablir l'autorité à l'école




Et voici que l’on reparle de l’autorité à l’école. Campagne présidentielle oblige. On nous dit « il faut rétablir l’autorité dans les écoles ». La mesure phare étant le port de l’uniforme ou plutôt d’une « tenue vestimentaire spécifique ». Comme si cette seule mesure pouvait venir à bout des problèmes de gestion des classes et des comportements. Rétablir l’autorité perdue des enseignants signifierait mettre à plat tout ce qui a contribué à sa disparition. 

L’autorité est une condition de base pour un enseignement efficace. Son absence donne des classes dans lesquelles les apprentissages ne se font pas et dans lesquelles les élèves ne sont pas en sécurité. C’est un fait avéré : l’enseignant, s’il veut être le garant des apprentissages doit faire preuve d’autorité.Malheureusement, ce mot a très mauvaise presse dans le milieu enseignant, comme dans la société en général. Il est compris, à tort, comme le synonyme d’autoritarisme. La pire insulte qu’on puisse faire à un enseignant est de le traiter d’autoritaire, cela est bien pire que de l’accuser de ne pas parvenir à instruire les élèves. Voici le résultat de plusieurs décennies d’une formation ayant passé la question sous silence, d’une hiérarchie ayant tout fait pour saper cette autorité, qu’il s’agisse d’autorité professionnelle ou morale. Néanmoins, on n’est pas à une contradiction près dans l’Éducation Nationale, et, régulièrement, on entend certains déplorer ce manque d’autorité dans les classes. Et l’on déclare qu’il faut la rétablir. Malheureusement, l’autorité ne s’ordonne pas, elle est le fruit de circonstances, qui, pour l’instant font défaut.

Mais, de quoi parle-t-on au juste ?
L’autorité se décline sous plusieurs formes. On se rendra compte en les examinant, que l’enseignant porte aussi une part de responsabilité dans sa disparition. On peut se reporter sur la question à l’ouvrage de Jean-Claude Richoz, Gestion de classes et d'élèves difficiles.

L’autorité de statut
C’est une autorité de droit, conférée par le pouvoir légal d’exercer une fonction. Elle est attribuée par le diplôme d’enseignement. C’est elle qui permet d’avoir des exigences, de les faire respecter en sanctionnant au besoin les transgressions. C’est aussi un devoir et une responsabilité.Ce type d’autorité pose problème aux enseignants qui refusent de se voir dans une position hiérarchique par rapport à leurs élèves. Ce faisant, ils confondent autorité et autoritarisme (abus d’autorité) et redoutent que ce statut les conduise à ne plus être aimés ou appréciés de leurs élèves. Cette responsabilité exige que l’enseignant se pose de manière convaincue en place hiérarchique car il a la responsabilité de faire respecter les règles de fonctionnement de la classe, il est garant de l’ordre et de la sécurité. L’idée de hiérarchie ne signifie pas, contrairement à une idée reçue très simpliste, que l’enseignant considère les élèves comme des êtres inférieurs ou des subalternes, c’est simplement une définition des rôles de chacun. Cela est en complète opposition avec les positions de l’éducation « nouvelle » qui place l’enfant comme un partenaire de même niveau que l’adulte.
L’autorité de statut s’exerce en s’appuyant uniquement sur la loi. On peut la comparer à celle de l’arbitre de football. Elle ne devrait pas être optionnelle pour l’enseignant, elle fait partie intégrante de la tâche d’enseignement et doit être assumée par tous. Elle n’est absolument pas dégradante ni humiliante pour l’élève, dès lors que les places de chacun sont clairement expliquées. Pour prendre un exemple, lorsque je vais chez le médecin, son autorité de statut me rassure et je ne me sens nullement humiliée de savoir qu’il a un pouvoir médical et professionnel sur moi qui suis une patiente en attente de soins. 

L’autorité de compétence
Il s’agit de l’expertise professionnelle possédée par une personne dans un domaine du savoir. Pour l’enseignant, les deux piliers en sont la maîtrise des contenus à enseigner et le savoir pédagogique. Elle facilite l’acceptation de l’autorité de statut. Elle est aujourd’hui régulièrement remise en question par les parents d’élèves qui s’ingèrent dans un domaine pour lequel ils n’ont aucune expertise : celui de la pédagogie. Cette ingérence leur est permise depuis qu’ils sont statutairement considérés comme des égaux dans la mission éducative, depuis qu’ils font partie des Conseils d’écoles, et que leur avis compte autant que celui de l’enseignant y compris sur les sujets relevant de la seule compétence professionnelle. Ce déni de l’autorité de compétence est un frein supplémentaire à l’efficacité de l’enseignement.

L’autorité relationnelle
Appelée aussi autorité personnelle, elle émane de la personne. C’est l’influence que peut avoir une personne par sa présence, ses qualités relationnelles, son aptitude à convaincre, à rassembler. Contrairement à une croyance, elle n’est pas innée mais s’acquiert par le travail et l’éducation. Elle s’accompagne de respect, d’empathie, d’écoute, de considération positive qui en font une véritable autorité éducative. Elle consiste à développer une présence, à mieux communiquer verbalement et non verbalement, à entrer en relation individuelle avec les élèves.
Dans ce type d’autorité l’enseignant ne doit pas oublier que le but est avant tout éducatif, et non narcissique. La limite est parfois ténue entre ce type d’autorité, et le désir d’utiliser son ascendant pour être aimé ou pour formater les esprits. 

L’autorité intérieure
C’est une autorité plus intime, acquise par une personne sur son ego et sa personnalité. C’est une maîtrise de soi qui permet de se contrôler quand par exemple des situations de classe posent problème ou que surviennent des sentiments comme la colère, la peur, l’irritabilité, le besoin de pouvoir, l’envie de plaire, le besoin d’être aimé. On comprendra toute l’importance de cette forme d’autorité. L’enseignant, même débutant, doit rester maître de lui-même, établir le recul nécessaire afin de ne pas succomber aux réactions spontanées qui ne sont pas forcément réfléchies et efficaces. En tant que maître à bord de la classe, l’enseignant doit garder le contrôle, sans quoi il ne sera ni crédible, ni sécurisant auprès des élèves. Cela est un principe de base du professionnalisme.

L’autorité sociale
Un autre aspect est présent également dans l’autorité, celui du statut de l’enseignant dans la société. Il s’est notoirement dégradé lors des dernières décennies. L’une des raisons en est le salaire. On est bien obligé de reconnaître que le statut d’une profession est très lié à son salaire. Or en France, les enseignants sont sous-payés par rapport aux autres pays européens. Cela contribue à expliquer l’attitude de nombre de parents d’élèves qui n’ont plus aucun respect pour cette profession et qui trop souvent en viennent même à la violence quand l’enseignant ne va pas dans leur sens. 

On comprendra donc que toutes ces composantes complémentaires de l’autorité sont nécessaires pour établir en classe un climat propice aux apprentissages et un environnement sûr, autant pour les élèves que pour le professionnel. Elles doivent toutes être présentes, il suffit que l’une d’elles soit défaillante pour saper la tâche de l’enseignant. Or, si l’autorité intérieure et l’autorité relationnelle relèvent de l’enseignant lui-même (à condition qu’il y ait été éduqué et formé) les autres dépendent pour beaucoup de conditions externes : le rôle que l’on donne à l’enseignant, l’ingérence d’autres personnes dans ses décisions et ses choix, la place et l’image qu’il a aujourd’hui dans la société. Par conséquent, les décideurs politiques auraient, s’ils le désiraient, la possibilité d’agir pour que soit rétablie l’autorité à l’école. Par la formation des enseignants, par la redéfinition des buts et des moyens de l’école et par le bannissement de tout ce qui actuellement fait obstacle à cette autorité. Cela entraînerait de grands bouleversements, peu compatibles avec les mentalités actuelles, et c’est sans doute pourquoi les responsables éducatifs manquent de ce courage.

Voir aussi sur la question Teacher's authority (Anthony Radice)  
Gestion de classes et d'élèves difficiles, J.C.Richoz








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