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mercredi 31 mai 2017

L’École en panne (2)



L’école ne parvient pas à instruire tous les élèves. Bien sûr, pour que cela change, l’instruction devrait être au centre des préoccupations. Il n’en est rien aujourd’hui. La part d’instruction qui persiste encore dans l’école refondée ne réussit pas car les moyens utilisés sont inopérants. 

Je veux parler des méthodes pédagogiques utilisées.  Il y a une mainmise très puissante du courant constructiviste tout au long de la chaîne hiérarchique. Les inspecteurs de circonscription, qui, sur le terrain, ont le pouvoir de changer les choses, font, pour la plupart, allégeance au pédagogiquement correct. Leurs carrières en dépendent. Certains même, sont prêts à donner leur interprétation personnelle des textes officiels pour influencer les choses dans le sens qui plaît à leur hiérarchie. Par exemple, récemment, un certain nombre ont imposé l’utilisation du LSU (Livret Scolaire Unique) dans les écoles, alors que la note de la DEGESCO, adressée aux enseignants en décembre 2016, ne donnait comme obligation que celle de transférer les données sur le LSU en cas de changement d’école ou en fin de cycle. Pour un exemple de ce type, il y en aurait bien d’autres concernant les pratiques pédagogiques ;  de fait, cela entrave la liberté pédagogique dont chaque enseignant est supposé bénéficier.

La mainmise constructiviste sur la formation initiale et continue, sur les équipes de circonscription, ne serait pas un problème si ce courant pédagogique portait ses fruits. Or, il n’en est rien. Les échecs cuisants et persistant depuis des décennies, n’aboutissent toujours pas à la remise en cause des méthodes ; on se contente d’évoquer d’autres causes comme le manque de moyens, les classes surchargées, le manque de mixité sociale, la malveillance des enseignants … Et, pour faire oublier cet échec majeur, on tente de niveler par le bas, de supprimer les notes, de faire croire à chaque élève qu’il réussit, bref on gomme tout ce qui fait désordre. Reste alors l’épineuse question des évaluations internationales, véritable fenêtre sur l’échec de l’école française.

Lorsque l’on parle d’efficacité, on se réfère à un corpus de preuves, ou données probantes. On ne peut pas déclarer telle ou telle méthode efficace, ou pas, simplement parce qu’elle sied à nos idées éducatives, ou parce qu’elle a fonctionné sur quelques élèves. Pour être reconnue efficace, une méthode pédagogique doit avoir fait l’objet d’études approfondies, montrant qu’elle porte des fruits sur l’ensemble des élèves et qu’elle ne contrarie pas les principes de l’approche cognitive. Mais chez nous, en France, le courant constructiviste refuse l’idée même des données probantes en éducation. Quand bien même des études faisant consensus montrent par exemple que les pratiques fortement guidées portent plus de fruits que les pratiques faiblement guidées, elles sont royalement ignorées. [1]
 
En conséquence, la formation initiale se contente de transmettre un dogme que les futurs enseignants doivent prendre pour argent comptant. Aucune formation aux données probantes ni aux autres méthodes n’est donnée. Et c’est ainsi que l’on trouve dans les classes, des professionnels débutants, commettant les pires erreurs pédagogiques qui conduisent non seulement à des résultats catastrophiques au niveau des acquis, mais en plus, à des classes aux comportements difficiles. Les conseillers pédagogiques dans les circonscriptions portent aussi une lourde part de responsabilité. Quand des enseignants, affolés de constater que la mise en application de ce qu’on leur a enseigné ne fonctionne pas, ils appellent le conseiller pédagogique. Celui-ci va les orienter vers encore plus de constructivisme, ce qui bien entendu, sur le terrain va aggraver les choses et mettre les enseignants dans une situation de profond désarroi. Cette façon de fonctionner existe depuis très longtemps et même les ministres[2] qui ont eu à cœur de changer les choses se sont heurtés à des difficultés.

Il y a une lourde contradiction dans ce système : on impose aux enseignants des méthodes inefficaces tout en leur assurant qu’ils jouissent de liberté pédagogique. Officiellement, un enseignant peut donc choisir sa méthode ; mais dans les faits, si celle-ci ne convient pas à son inspecteur de circonscription, il devra posséder une solide argumentation pour se justifier. Au passage, quelqu’un qui utilise une méthode inefficace, lui, n’aura pas à se justifier sur son utilisation. Certes, quand on utilise une méthode reconnue comme efficace, l’argumentaire n’est pas très difficile. Le plus dur est d’avoir la force de caractère de s’opposer à sa hiérarchie ; cela peut parfois ressembler à la lutte du pot de terre contre le pot de fer.  Seuls les enseignants aguerris et expérimentés s’y risquent.

Et pourtant, on aurait fort à gagner à redonner à la liberté pédagogique tout son sens. Une définition simple : je peux utiliser la méthode de mon choix, dans la mesure où elle a été reconnue comme efficace pour tel ou tel aspect de mon enseignement. Ainsi l’enseignant serait un véritable professionnel, capable d’opérer un choix éclairé. Mais il faudrait qu’il soit formé aux méthodes et aux études les ayant testées. Et que la formation continue tienne tous les enseignants en activité informés des nouvelles conclusions de la recherche, qui avance tous les jours. 









[2] Je pense à Xavier Darcos dont les programmes de 2008 apportaient un souffle d’air et recommandaient des pratiques efficaces comme l’Enseignement Explicite. Pour des raisons politiques il n’a pas pu aller au terme de son ministère.  

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